Je reçois aujourd’hui mon ami Mikaël, compagnon de voyage lors de mon départ en Amérique latine et collègue professeur lorsque nous y avions donné des ateliers francophones de journalisme. Il nous raconte dans cet article invité son séjour de 5 jours à Athènes. Les objectifs du voyage étaient d’observer et discuter de la situation de précarité que connaissent les grecs suite aux plans d’austérité européens, mais aussi de découvrir la capitale. Un voyage qui se voulait politique et journalistique, peut-être un peu trop rapidement préparé, et qui donne à réfléchir sur l’organisation de votre prochain « speed travel » !
Comme d’habitude avec Mikaël, c’est drôle, bien écrit et ça ne manque pas de style.
Fin octobre 2011, je propose à un couple d’amis de venir avec nous aux Pays-Bas à l’occasion du pont du 11 novembre. Nous, on vit à Bruxelles, où j’ai rejoint Itzal en septembre. Donc les Pays-Bas c’est pas bien loin… Mais l’actualité grecque, la dramatique situation économique, m’ont conduit à proposer à ce couple d’amis et à un autre ami, d’aller plutôt en Grèce, à Athènes, pour tenter de comprendre ce qui s’y passe… et le sort qui sera peut-être bientôt le nôtre : à savoir le coup d’État de la finance et la politique violemment néolibérale sous le label des « plans d’austérité ». Mais n’entrons pas ici dans ces considérations. L’objectif du voyage était double : à la fois tenter de comprendre la situation locale à hauteur d’homme et témoigner notre soutien ; et d’autre part tout simplement en profiter aussi un peu pour découvrir la ville. Le bilan est un peu mitigé. L’affaire nous a enseigné quelques leçons pour préparer de futurs voyages.
Leçon n°1 : n’attends pas le dernier moment !
Il a d’abord été difficile de trouver un A/R en avion à un prix bas. J’ai d’abord fait un tour sur le blog de mon amigo Kalagan pour retrouver un comparateur de prix qu’il avait exposé, mais sans y trouver quoi que ce soit d’intéressant. Il faut dire que je me suis préoccupé très tard de chercher les billets (vers le 20 octobre pour un départ 20 jours plus tard… J’ai finalement acheté les billets le 22 octobre). Donc, d’abord un petit tour sur les habituels site de compagnies à bas coût : Ryan Air, Wizzair, etc. Que dalle. Pour finir, je trouve mon aller et mon retour séparément grâce à eBookers et à Go Voyages. Assurance incluse, je m’en tire pour 400 euros. Côté économies, on repassera…
Leçon n°2 : assure-toi de la fiabilité de l’hébergement
Seconde étape : trouver des hôtes disposer à nous accueillir. Direction Couch Surfing, naturellement. Je signale que nous sommes plusieurs à chercher un hébergement et que nous venons à Athènes pour observer la situation politique, sociale et économique, et que nous cherchons donc les personnes idoines pour nous expliquer. Deux réponses positives : l’une de Yiannis, l’autre de Kris. Yiannis nous accueillera Foad (un ami) et moi-même la première nuit (Itzal ne nous rejoindra que le samedi soir).
J’arrive le premier à Athènes, en provenance de Bruxelles. Il est environ 0h45. En raison d’un retard, mes amis qui viennent de Paris arrivent tous vers 1h30… On prend un bus à la sortie de l’aéroport (5 euros le trajet) jusqu’à la place Syntagma, un point central d’Athènes. Sur place, on prend un taco, qui nous la joue « ouais, ouais, pour 20 euros c’est bon, je vous emmène là-bas »… Sauf qu’une fois dans le quartier, on tourne une dizaine de minutes : le chauffeur cherche piteusement la rue sur le GPS de son téléphone… La facture monte… monte… On lui dit « allez, ça va on se casse ». 30 euros, BAM ! Résultat, on téléphone à Yiannis, qui vient nous chercher : il était pas bien loin. Il est bien 3h du matin lorsque nous arrivons chez lui. Il est photographe professionnel (cf. ce très beau site) et reporter pour la télévision nationale. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne vit pas dans l’opulence : il habite un modeste sous-sol. Toujours est-il que son accueil très chaleureux, sa patience à nous écouter, à répondre à nos questions et à nous exposer ses observations a été une bonne entrée en matière. Le lendemain, nous nous quittons en proposant de se revoir. Il sera très accaparé par le travail durant le ouicainde et nous n’aurons pas – hélas ! – l’occasion de le revoir.
Nous rejoignons donc notre couple d’amis, qui s’est offert quelques nuitées d’hôtel dans le superbe quartier Exarchia. Exarchia, nous dira-t-on plus tard, est un quartier « où la police n’entre pas ». Et sur le plan de l’ordre, ça se passe comment ? « Hé bien, en vérité, le désordre c’est seulement quand la police y entre » ! Alors, franchement, on n’a pas trop compris pourquoi Exarchia a une réputation douteuse… C’est un quartier splendide, dont presque tous les murs sont couverts de graffiti colores parfois remarquablement inventifs, et qui me rappellent ce que j’avais tant aimé à Naples. Nous remontons la rue Benaki. (Soit dit en passant, vous trouverez dans cette rue un petit resto à pita qui paye pas de mine, et où la pita, justement, est à se taper le cul par terre, délicieusement moelleuse et rehaussée de la saveur de l’huile d’olive dans laquelle elle est chauffée !) Nous voilà à l’hôtel Orion Dryades, où nous laissons nos sacs.
Nous allons au hasard des rues, nous promener, découvrir cette charmante ville qu’est Athènes (j’ai un faible pour les villes méditerranéennes, que mes courtes visites en Provence, en Espagne, en Italie et au Maroc et mon plus long séjour en Israël et Palestine n’ont cessé de confirmer). Un de mes amis, David, devait mobiliser ses contacts journalistiques et syndicaux pour tenter de nous faire rencontrer des personnes à même de nous renseigner… De ce côté, ce sera un bide total.
Ce soir-là, nous retrouvons donc Kris, deuxième couch surfer, un mec plutôt sympathique, mais sans plus, quoi. Après qu’il nous a suivi à… un rassemblement d’anarchistes contre la conscription militaire (!), il nous embarque à un rendez-vous de couch surfers, auquel il se rend tous les vendredis. L’occasion de découvrir l’ouzo et la rakia (alcool blanc local, chaud et aromatisé au miel, qui fait penser à l’hydromel). La soirée s’avère oiseuse, un piège. Et notre hôte de passer la soirée à draguer piteusement une nana… Notre couple d’amis s’en retourne assez tôt à son hôtel, tandis que Foad et moi-même sommes soumis à l’agenda du mec – de sa libido surtout. Résultat : 1- on s’est trouvé embarqué dans une soirée bobo sans relief comme on aurait pu en connaître à Paris, 2- le mec n’a pas conclu, 3- étant sorti du bar pour aller prendre l’air, je reviens trop tard : le mec est rentré chez lui avec son échec pour seule compagnie, ne voulant pas poireauter dans le froid mon retour incertain… 4- donc, nous voilà qui finissons pitoyablement, vers 4h30 du matin, dans la dernière chambre dispo d’un hôtel… Un lit superposé au dernier étage, façon chambre de prison. 40 euros, BAM ! Quelle soirée de chiotte ! Remarquez, la situation est assez cocasse. Du coup on s’endort entre consternation et éclats de rire.
Pour finir, le lendemain, mon ami file à un colloque intersyndical européen, où il rejoint nos deux amis. Moi, je préfère finir ma nuit et lui piquer sa couverture de laine grossière. Faute d’indications claires, je ne les trouverai pas. Donc j’en profite pour me promener à travers la ville : Exarchia, délicieux, puis les quartiers plus à l’est, qui ont l’air plus chicos. Rien de mieux, à la vérité, qu’erre dans une ville, au hasard des rues, se perdre hors sentiers. (Je repense à Capri, juillet 2010, où mon amie Maëlys et moi-même étions allés nous promener partout où les touristes n’allaient pas, réussissant l’exploit d’y trouver un agrément que n’offrent pas les « grands axes » de l’île saturés de touristes.) Pour finir, je me pointe à l’hôtel de mes amis, y réserve une chambre pour Itzal (qui arrive ce soir de samedi) pour les deux nuits suivantes. Et qu’on en finisse ! Résultat : un prix fort honnête. Faut voir qu’on est hors saison. L’hôtel – et ses gérants, dont monsieur est francophile – sont tout à fait délicieux. Clairement, nous recommandons cet hôtel Orion-Dryades, tout à fait en haut de la rue Benaki, en haut d’un escalier dont les marches peintes sont faites pour être vues de face.
Leçon n°3 : s’épargner les « incontournables » du tourisme…
Alors voilà, on se dit volontiers que l’Acropole, ben ce serait con de pas aller la voir tant qu’on est là. Bon, ben… en fait on aurait fort bien pu s’en passer. Déjà parce que mine de rien ça caille méchamment en novembre et que tous les vents se font un malin plaisir de venir siffler là-haut sur la colline (salutations à Joe Dassin) et vous tripoter partout comme de sales vicelards. Et puis surtout parce que, en somme, tout ça ressemble à un cimetière de pierres. On va pas la jouer Napoléon, façon « du haut de cette colline, 25 siècles d’Histoire vous contemplent ». On trouve ça juste barbant. Des pierres, des pierres, des pierres, des cailloux. Bref, la richesse d’un voyage ne tient en aucun cas dans les « incontournables » du tourisme. Sans déconner, hormis pour la ramener devant tonton Patrick et pépé Francis, j’ai jamais trop compris cette imbécile manie de se prendre en photo devant un monument touristique. J’ai donc décidé d’inaugurer là une sorte de contre-série des photos « moi à tel endroit touristique », dans une version « moi devant les échafaudages de tel monument touristique ». Me voici donc devant un échafaudage de l’Acropole.
Leçon n°4 : quand tu as mal préparé ton voyage, trouve tout de même des satisfactions
Donc pour finir, nous sommes descendus dans un restaurant au pied de l’Acropole. Ouais, OK, y’aura bien des gens pour nous dire « putain, les gars, vous allez dans des restos attrape-nigauds ». Ben déjà, j’ai bien envie de dire à ces gens qu’à la grossièreté nul n’est tenu, et qu’il serait plus joli par exemple d’écrire : « sapristi, chers amis, vous vous êtes fait entourlouper ! ». Mais je dois répondre alors : « que nenny ! », car somme toute, nous nous sommes offerts de fabuleuses grillades (poulet, boeuf et porc grillés, saucisses renversantes, olives, feta, bon pain local, etc.). On y reviendra même le soir après s’être promené aux puces de Monastiraki (où je m’achète pour 60 euros un superbe manteau d’hiver en cuir, que j’aurais payé en France trois fois ce prix). Le restaurant est situé à la station Thissio. On y a eu droit à un exquis accompagnement musical, quatre jeunes gens s’étant rassemblés pour jouer de la musique traditionnelle entre amis. Belle initiative qui ravit nos oreilles.
Foutre ! Je ne parviens pas à retrouver le nom du restaurant. En revanche, voici une liste de restaurants conseillés. Ça vaudra mieux pour toi, ô lecteur, que de lire « vers environ par là, on mange des super grillades »…
En nous promenant dans Athènes, à Monastiraki ou dans le centre, nous avons pu visiter de très belles, très très belles églises orthodoxes. Je me souviens notamment d’une, curieusement enfoncée dans le sol, comme une météorite en son cratère, au milieu d’une de ces rues commerçantes semblables à celles qu’on trouve partout ailleurs, avec les mêmes enseignes et les mêmes cochonneries… Visitez ces églises orthodoxes.
Conclusion : peut mieux faire
D’un certain point de vue, ce court séjour à AThènes est un échec : nous allions là-bas pour rencontrer des personnes à même de nous dire comment, concrètement, vécu l’abjecte politique antidémocratique de terrorisme économique qu’on appelle « plan d’austérité ». Pour ça, on se contentera de renvoyer vers, par exemple, cet article du Monde Diplomatique. Manque de préparation, contacts pas fiables, etc.
D’un autre côté, on a beaucoup ri, entre amis ; à force de nous promener, nous avons trouvé beaucoup de motifs d’enchantement pour le ventre et pour les yeux. Les murs graffités d’Exarchia, les restos, les objets amusants trouvés aux puces de Monastiraki, etc. Et puis, ç’a été aussi un week-end en couple qui s’est avéré exquis.
Assez parlé, ladies and gentlemen, voici pour vous les diapos. Hop !
[Kalagan] – J’ai pas mal voyagé dans les pays méditérranéens et je vous avoue qu’avec les années, je voulais changer d’ambiance, de climat, de culture. Du coup, je ne suis jamais allé en Grêce et je n’ai jamais trop été attiré par ce pays. Ceci dit, j’ai eu depuis peu un regain d’intérêt pour les pays du Sud de l’Europe : l’Italie, la Grêce mais aussi les pays qui bordent la mer Adriatique, comme la Slovénie par exemple, ou la Croatie (je m’y suis rendu 2 fois). J’ai aussi plusieurs amis voyageurs qui m’ont parlé de l’île de Crête, appartenant à la Grêce. J’aimerai bien louer une voiture en Crête et me faire un road trip là-bas. Cela doit bien faire 2-3 ans que je n’ai pas conduit et ce serait une bonne occasion de remettre le pied à l’étrier. Les paysages ont l’air d’être magnifiques. Je crois que c’est pas trop cher et les plages doivent être sympas. On verra bien lors de mon retour annuel en Europe. En attendant, j’ai encore beaucoup d’endroits à visiter au Mexique et en Colombie.
Si ça c’est un court séjour? Très beau récit.
La peinture du guitariste est juste superbe et la peinture aussi.
j’ai bien ri en lisant le passage sur la fameuse « soirée oiseuse »..on aurait dit moi!
L’Acropole un tas de pierre…
Chacun y trouvera son intérêt.
Je doute tout de même que ces incontournables soient plus superficiels que de suivre un grec comme un chien dans une soirée…
Une vision bien particulière que je ne partage pas du tout.
Un détour par le musé e de l’Acropole ou l’agora apporte beaucoup de connaissances sur me système politique de la Grèce antique. Surement plus intéressant également que les tags
🙂
Bonjour Luc,
Bien évidemment que l’Acropole n’est pas qu’un « tas de pierres ». La formule était volontiers excessive et ironique. Sans prétendre à l’expertise sur la Grèce antique, j’en connais pas mal — suffisamment en tout cas pour ne pas énoncer une telle chose au premier degré.
Il y a seulement que les cargaisons de touristes, qu’on va livrer au pied de l’Acropole ou aussi bien devant la Mona Lisa, et qui s’empressent de se prendre en photo devant ce qui a été réduit par la culture de masse au statut inférieur de produit marketing, ne doivent pas bien visualiser ce que représentait l’Acropole. Autrement dit : pour faire vivre des ruines du passé, pour reconstituer la majesté d’une Histoire, il faut avoir lu, ou bien être accompagné d’un guide. Le tourisme de masse auquel on assiste sur les hauts lieux archéologiques, a fortiori qd il n’y a pas de guide, est un tourisme de l’ignorance qui avilit l’Histoire humaine à une somme de cases à cocher : on dira bientôt à ses potes j’ai « fait » les pyramides, l’Acropole ou que sais-je.
Pour la majorité — et c’est volontiers le procès du tourisme de masse que je fais — « faire » l’Acropole, la Joconde ou que sais-je, et se prendre en photo devant comme des benêts, c’est une sorte de modèle à suivre, de prêt-à-consommer qui, du point de vue culturel, est parfaitement stérile. Le Parthénon, qui fut un des plus hauts lieux du génie athénien et du règne de Périclès (et de Phidias sur les arts), se réduit alors à une sorte de babiole pour des guignols armés d’appareils photo et qui ignorent tout ou presque de ce qu’ils visitent comme un « must have seen ».
Pour ces gens-là, en effet, les ruines archéologiques ne sont à peu près que des cimetières de pierres. Et pour moi (et je crois bien, s’il s’agit de donner plus de « poids », qu’un Flaubert fut lui aussi extrêmement déçu face aux ruines du passé), rapporté à ce que l’imagination bien nourrie par les lectures échafaude, renforcée par le goût et la curiosité pour l’art (parfois au renfort de reconstitutions, comme par ex celles d’Alma Tadema, comme celle-ci : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lawrence_Alma-Tadema), c’est dérisoire. Souvent, les sites archéologiques les plus dégradés me font l’effet d’un spectacle de l’ordre de la peinture de vanité : nous contemplons une civilisation morte et réduite à son squelette, le temps ayant mis les os à nu.
Quant aux tags, je n’en ai pas mentionné dans l’article. J’ai parlé de graffiti. Confondre les deux, ce serait comme confondre un babil de nourrisson et une chanson, un gribouillage et un retable.
Salutations,
Mikaël
J’avais adoré l’acropole, enfin surtout la vue sur la ville. Faut dire que je n’ai pas été dans la partie tourisistique de l’acropole, qu’il faisait super beau et qu’il y avait greve général des transports. Autant dire que c’était pas plein de monde là-haut.
L’Acropole un tas de pierre… moi, ça ma bien fait marrer, car un des mes enfants m’a dit la même chose quand on est allé visiter une vieille abbaye en ruine près de Castellane.
très beau récit ! ça donne envie en tout cas. il faut que je rajoute la Grèce à mon carnet de voyages. merci 🙂