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Augmentation des cotisations de l’auto-entrepreneur : analyse et coup de gueule !

Avec l’adoption par l’assemblée nationale de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, il a été décidé que les cotisations sociales des auto-entrepreneurs soient augmentées à partir du 1er janvier 2013. Les modifications administratives et fiscales ont été répercutées sur le site internet Net-Entreprise, portail officiel des déclarations sociales des auto-entrepreneurs. Qu’en est-il exactement de cette augmentation et quelles sont ses conséquences sur nos activités ? En tant qu’auto-entrepreneur, je vous livre mon analyse.

Augmentation des costisations auto-entrepreneurs

Pourquoi augmenter les cotisations des auto-entrepreneurs ?

En février 2013, l’URSSAF dénombre un total de 895 000 auto-entrepreneurs administrativement actifs, dont environ 450 000 provenant de Pôle Emploi. Ces entrepreneurs génèrent en moyenne un chiffre d’affaire mensuel individuel de 1185 euroacs. Le SMIC brut étant valorisé à 1430,22 euros, l’INSEE affirme que 90% des auto-entrepreneurs dégagent de part leur activité un chiffre d’affaire inférieur au SMIC.

Hervé Novelli, secrétaire d’état à l’origine du statut d’auto-entrepreneur, promulgué en août 2008, déclare :

« Quand on se gargarise en déclarant présenter un budget de justice, c’est en fait une véritable agression contre les travailleurs pauvres ! C’est même la mesure la plus antisociale que j’ai jamais vue ! Relever les cotisations sur des gens qui sont en dessous du Smic, il faut quand même le faire ! »

Une majorité des auto-entrepreneurs sont en effet des travailleurs pauvres. En tant qu’auto-entrepreneur travaillant partiellement à l’étranger, mes revenus sont inférieurs au SMIC, et si je considère uniquement mon activité d’auto-entrepreneur, je suis en deçà du seuil de pauvreté ! Alors pourquoi relever les cotisations des auto-entrepreneurs ? La France n’a jamais été aussi riche de son histoire, et comme le montre cette étude de l’INSEE, la répartition des richesses en France (mais c’est malheureusement une généralité mondiale) a été entre 2008 et 2010, plus favorable aux hauts revenus qu’aux bas revenus, alors qu’on était en pleine crise :

Répartition des richesse en France, entre 2008 et 2010

Répartition des richesse en France, entre 2008 et 2010

Quelle bonne idée, aussi efficace économiquement que socialement, d’augmenter les cotisations des hyper-pauvres plutôt que celles des hyper-riches ! Heureusement encore que notre gouvernement se dit de « gauche » !

Le but de cette augmentation des cotisations sociales des auto-entrepreneurs, dans le cadre du plan d’austérité français, est bien entendu d’augmenter les recettes fiscales de l’Etat. Elle est pourtant justifiée par un alignement des cotisations avec les entrepreneurs individuels…

Peu de débats ont été engagés sur la réforme du statut de l’auto-entrepreneur, alors que celui connaît un grand succés. Avant la réforme, voici le message de Grégoire Leclercq, président de la fédaration des auto-entrepreneurs :

Combien allons-nous payer dorénavant ?

Voici donc les tableaux correspondant à la hausse des cotisations des auto-entrepreneurs depuis janvier 2013. Ce tableau aura une impacte directe sur votre comptabilité.

Cotisations en pourcentage du CA
Type d’activité Taux de 2012 Taux de 2013
Activité commerciale 12% 14%
Prestation de services 21,3% 24,6%
Activité libérale 18,3% 21,3%
Cotisations en pourcentage du CA (option libératoire)
Type d’activité Taux de 2012 Taux de 2013
Activité commerciale 13% 15%
Prestation de services 23% 26,3%
Activité libérale 20,5% 23,5%
[Les valeurs entre paranthèses correspondent à l’augmentation]
Cotisations en pourcentage du CA (option ACCRE)
Type d’activité Première année Seconde année Troisième année
Activité commerciale  3,5% (+0,5%) 7% (+1%) 10,5% (+1,5%)
Prestation de services 6,2% (+0,8%) 12,3% (+1,6%) 18,5% (+2,5%)
Activité libérale 5,4% (+0,1%) 10,7% (+1,5%) 16% (+2,4%)

Encore heureux que je dispose pour l’instant du dispositif de l’ACCRE ! (qui par ailleurs a aussi été touché par la réforme).

Et qu’en est-il des retraites des auto-entrepreneurs ?

Sans compter que les impôts et cotisations sociales des auto-entrepreneurs sont calculés en fonction du chiffre d’affaire et non du bénéfice, ce qui est économiquement et moralement aberrant (rappelons-nous tout de même que ce statut a été promulgué par l’UMP), le gros point faible du statut des auto-entrepreneurs réside dans la gestion des cotisations pour les retraites. Si le PS voulait socialiser ce statut, c’est bien sur ce point qu’il aurait dû réformer.

Pour valider leurs trimestres de retraite, les auto-entrepreneurs doivent réaliser les montants minimaux de chiffre d’affaire suivants. On en a pas du tout parlé dans la presse et sur les sites spécialisés, mais ces montants ont aussi, discrètement, été revus à la hausse. Ce qui veut dire que nous cotiserons plus, pour moins de retraite. C’est encore une fois scandaleux ! Dites-vous que 90% des auto-entrepreneurs ne valideront qu’un quart de leurs trimestres. Non seulement, ces cotisations sont moindres, mais en plus, ce système de calcul n’est pas proportionnel. Dans le cas par exemple d’une activité commerciale, un CA de 6502 euros ou de 13005 euros ouvrira les droits de retraite pour la même période, c’est à dire un seul trimestre.

[Les valeurs entre parenthèses correspondent aux valeurs précedant la réforme]
Montants minimaux du CA pour validation
Type d’activité 1 trimestre 2 trimestres 3 trimestres 4 trimestres
Activité commerciale 6502€
(6207€)
13006€
(12414€)
19509€
(18621€)
26013€
(24828€)
Prestation de services 3772€
(3600€)
7544€
(7200€)
11316€
(10800€)
15008€
(14400€)
Activité libérale 2858€
(2728€)
5715€
(5445€)
8573€
(8192€)
11431€
(10909€)

J’ai toujours été partisan du statut de l’auto-entrepreneur. Mais ce n’est qu’un choix par défaut. Les charges salariales d’un entrepreneur individuel et les obligations comptables font que ce statut nécessite un chiffre d’affaire bien supérieur…

Je suis partisan de l’impôt (quand il est intelligemment prélevé) et je ne veux pas, alors que j’en ai la possibilité, expatrier fiscalement mes activités professionnelles. Mais malgré moi, je réfléchis de plus en plus à domicilier mon entreprise à l’étranger !

Qu’en est-il de l’exonération de la CFE ?

On nous a tous rabâché pendant des mois en 2010 que les entreprises (et donc les auto-entrepreneurs) ne payeront plus de taxes professionnelles, devenue obsolète. Que nenni ! Conneries ! Foutaises ! Cette taxe a été modifiée et renommée en « contribution économique territoriale ». Constituée de 2 taxes, la CFE et la CVAE, cette nouvelle-ancienne taxe devra aussi être acquittée par les auto-entrepreneurs.

Premier point positive de la réforme (c’est le seul) : les auto-entrepreneurs seront exonérés pendant 4 ans au lieu de 3 ans de la CFE (la CVAE n’étant dûe que pour les entreprises au CA supérieur à 152 500 euros). Mais après ces 4 premières années, nous devrons payer annuellement une taxe d’un montant compris entre 200 et 2000 euros, en fonction des locaux dans lesquels on exerce notre activité. Est-ce bien logique de payer un impôt relatif à un logement parce qu’on y exerce une activité professionnelle ? Je ne comprends pas cet impôt, qui à mon sens, est une seconde taxe d’habitation opportuniste… Bref, heureusement qu’on ne le paye pas les 4 premières années !

Pour finir, qu’en est-il des impôts sur le revenu ?

Fiscalement, le revenu des auto-entrepreneurs n’est pas connu de l’administration. Seul le CA est déclaré. L’impôt sur le revenu est donc calculé en fonction du chiffre d’affaire, et non du revenu : premier paradoxe.

L’impôt sur le revenu est donc calculé à partir d’un pourcentage fixe du CA. La progressivité est donc inexistante : second paradoxe.

La réforme de 2013 ne touche pas à cet impôt alors qu’elle aurait du. Pourquoi un auto-entrepreneur réalisant un chiffre d’affaire annuel de 2000 euros paierait le même pourcentage en impôts qu’un auto-entrepreneur réalisant un chiffre d’affaire annuel de 20000 euros ? La progressivité de l’impôt sur le revenu est pourtant une des formes les plus solidaires de la fiscalité française. Je ne comprend pas pourquoi les auto-entrepreneurs ne sont pas soumis comme tout le monde à la même régle d’imposition sur les revenus.

Impôts et cotisations pour la formation professionnelle en pourcentage du CA
Type d’activité Impôts sur le revenu Formation professionnelle/th>
Activité commerciale 1% 0,1%
Prestation de services 1,70% 0,3%
Activité libérale 2,20% 0,2%

Je resterai donc encore auto-entrepreneur 1 an ou 2, tout au plus

Malgré ce bilan fustigeant, je considère que le régime de l’auto-entrepreneur est une bonne chose pour permettre à ceux qui le désire de lancer facilement et rapidement une activité indépendante, et de se libérer du salariat. Cette réforme ne va pas nous aider à améliorer nos revenus, mais pour un petit chiffre d’affaire, l’auto-entreprenariat reste la meilleure solution si on ne peut pas investir dans une société ou si on ne veut pas s’endetter. Les bénéfices que l’Etat escompte faire avec cette réforme seront largement annulés par le nombre d’auto-entrepreneurs qui abandonneront leurs activités, ou par l’augmentation par exemple des demande de RSA chapeau. Le système actuel ne désire pas qu’il y ait dans notre société des travailleurs indépendants correctement payés qui viennent concurrencer les entreprises classiques. Quand on est indépendant, soit on est travailleur pauvre, soit on travaille comme un bougre, à la merci des dures lois du capitalisme.

Par conséquent, une fois les bénéfices de l’ACCRE et l’exonération de la CFE terminée, le statut d’auto-entrepreneur perd de son attrait. On doit alors monter une entreprise individuelle, et là, attention à la facture ! Il faudra développer une gestion comptable et fiscale d’orfèvre pour s’y retrouver.

Je regrette beaucoup que le statut n’ait pas été réformé de manière positive, pour permettre l’ascension vers l’indépendance financière et professionnelle de beaucoup de français. L’auto-entreprenariat est un levier considérable pour sortir de la sphère du chômage. Cela a d’ailleurs été moncas, en plein période de crise. Dommage que notre gouvernement ne s’en aperçoive pas.

Sources et chiffres :

Etude de l’INSEE sur le revenu des auto-entrepreneurs
Régime fiscal de l’auto-entrepreneur sur le site des services publiques

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